Saison 2 • Episode 18
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Tu la connais cette question bête.
Tu la connais cette remarque désobligeante.
Tu la connais cette personne qui croit toujours avoir raison.
Tu le connais, cet individu qui déteste avoir tort.
C’est prouvé, l’être humain pense qu’il détient la vérité absolue.
En tout cas, il détient au minimum sa propre vérité, sa propre croyance.
C’est ce dont on débattait sur mon précédent article sur le beurre et la confiture.
Une fois convaincue d’une chose, difficile d’imaginer qu’on peut avoir tort.
Pire encore, l’autre a tort, même s’il a fondamentalement raison.
Cet article va paraître de toute évidence présomptueux puisque j’aborde un sujet qui me touche et me parle et qui, je l’espère, parlera à certains d’entre vous.
Je parlais hier avec une amie d’assertivité.
L’assertivité, pour faire simple, est la capacité d’un être humain à prendre la parole pour défendre ses droits et ses opinions sans pour autant venir empiéter sur ceux des autres.
Pour vous donner une image simple, c’est l’assemblée nationale comme on l’imagine dans un rêve, des gens civilisés qui discutent entre eux sur des sujets divers et variés en apportant clarté et lucidité sans pour autant s’égosiller et se couper la parole.
Pour revenir à mon amie, elle réalisait actuellement une formation professionnelle sur l’assertivité. Tiens, ça me rappelle la formation qu’un de mes collègue a réalisée sur l’écoute active la semaine dernière.
L’empathie et la bienveillance sont deux qualités indispensables pour notre vie professionnelle mais également pour notre vie publique.
Je suis persuadé que notre capacité d’écoute, de compréhension et d’analyse se développe énormément avec l’âge et donc l’expérience.
Ce n’est pas pour rien que nous écoutons très souvent nos grands parents avec énormément d’assiduité puisque nous les considérons comme « des grands sages ».
Dans un cadre professionnel, le contexte est différent.
Selon moi, l’assertivité est une capacité qui fait partie de ce que j’appelle les soft skills, on l’a ou on ne l’a pas.
Cependant, ce n’est pas à l’entreprise d’apprendre à son collaborateur la bienséance.
Autre chose, le lien hiérarchique n’est plus « naturel » car il ne correspond pas forcément aux critères imposés par les prédispositions sociales de la vie publique. Dans l’entreprise, chacun doit avoir le droit d’exposer ses idées (surtout si elles sont bonnes) à n’importe quel niveau de l’organisation, de manière assertive ou non.
J’entends par là que c’est l’entreprise qui doit choisir le degré d’assertivité qu’elle impose à ses collaborateurs. En gros, elle dispose des clés du débat. Libre à elle ensuite, de s’entourer uniquement de collaborateurs qui correspondent à son état d’esprit, à sa nuance.
Je suis persuadé que c’est ce qui va faire que l’organisation fonctionne ou non.
Très souvent, en suivant les conseils justement donné par ses formateurs en « assertivité », je me suis retrouvé dans le monde professionnel et même personnel, à faire semblant d’être d’accord avec une personne.
Lui, étant persuadé d’avoir raison, et moi, ayant trop peur de rentrer dans un débat que je sais stérile ou peu intéressant, faisant semblant d’être d’accord avec son avis ou de ne pas connaître ce dont il parle, à faire semblant d’être bête.
Dans le cadre privée, je suis persuadé que cela fait parti de ce que l’on appelle « l’intelligence émotionnelle », l’assertivité est alors mise au service de notre communication pour permettre à la relation de se développer, de se sublimer, c’est ce que j’abordais dans mon article « Comment se faire des amis ? ».
Dans le cadre professionnel, l’assertivité s’apparente pour moi à de la paresse intellectuelle de la part du collaborateur ou, plus grave, à un manque d’intelligence émotionnel collectif. Une entreprise ou les collaborateurs doivent être formés sur l’assertivité se ment déjà. Elle muselle l’intelligence de ses collaborateurs au service du petit bien-être collectif, de peur de mettre en péril le fragile équilibre hiérarchique mis en place.
Si chacun fait semblant d’être bête, l’entreprise devient bête.
L'assertivité a donc les vertus de ses défauts.
Elle doit être maniée avec intelligence et parcimonie pour, dans certains cadres ou elle est nécessaire et impartiale, élever les idées et faire naître de l’intelligence collective une voix commune. C’est ce que j’appellerai l’assertivité démocratique.
Lorsqu'elle est forcée et contrainte, élevé au simple rang de « formation » comme si l’on apprenait à la manier comme on manie un tableur excel, l’assertivité devient destructrice pour l’organisation dans laquelle chacun doit rester à son rang, faire semblant d’être bête. C’est l’assertivité dictatoriale.
L’Histoire a montré que la lumière est souvent venue des organisations ou le débat a été houleux mais ouvert, ou l’on a fait appelle à l’intelligence émotionnelle de toutes les strates de la société pour faire élever le débat démocratique.
L’Histoire a malheureusement aussi prouvé que lorsque ces mêmes strates ont trop longtemps fait semblant d’être bête, le système a un jour ou l’autre finit par s’effondrer pour laisser place à une assertivité plus démocratique que celle en place.
Faire preuve d’assertivité, c’est donc finalement arriver à savoir se taire lorsque l’on sait, et en même temps, arriver à débattre, même quand nous ne savons pas.
C’est être bête dans l’intelligence et être intelligent dans la bêtise.
Cogito ergo sum.
A très vite !
Vincent