Saison 2 • Episode 16
—
Voilà à présent un an que j’invective mon amoureuse a chaque fois qu’elle tartine sa tranche de pain de beurre avant d’y déposer de la confiture.
« Mais Vincent, tout le monde fait ça, tu es complètement à côté de la plaque »
Quelle idée saugrenue qu’est donc celle de mettre de la confiture par-dessus la couche de beurre.
Personne dans mon entourage ne le fait et ce depuis mon plus jeune âge. Impossible pour moi d’être dans l’erreur, cette diablerie est l’œuvre de ma chérie et rien d’autre, j’ai raison.
Et pourtant, pourtant je dois l’admettre, j’avais tort.
Après avoir fait des recherches et interrogé de nombreuses personnes, il est, en effet, on ne peut plus commun que de beurrer la biscotte avant de mettre de la confiture.
Alors donc, vous allez me dire, qu’est ce qu’on en a à faire Vincent de ton histoire de confiture ?
Avec cette anecdote, je me suis rendu compte que j’étais persuadé de quelque chose qui était faux. Qui plus est, il était hors de question pour moi d’admettre que j’avais tort. J’étais persuadé.
Je rentre tout juste d’un voyage professionnel en Tunisie au cours duquel j’ai eu le grand plaisir de partager avec de très nombreux locaux les us et coutumes de leur pays, de leur culture.
Ici aussi, à plus grande échelle, j’ai eu l’occasion de me rendre compte de la grande naïveté que j’avais à penser que le monde qui m’entoure, que mes croyances, que mon éducation, était la vérité vraie, la clé du savoir de l’humanité !
Plus sérieusement, ces échanges m’ont fait drôlement réfléchir sur la place de notre croyance et ce que peut nous apporter notre conditionnement induit pas des années d’éducation.
Si je suis persuadé qu’on ne met pas la confiture sur le beurre et que je découvre que j’ai tort. Comment pourrais-je être sûre qu’il faut toujours manger avec des couverts et non pas avec les mains ?
Finalement, être confronté à un choc des cultures comme celui auquel j’ai été confronté la semaine dernière m’a laissé avec encore plus d’interrogations vis-à -vis de mes croyances et m’a permis d’apporter de la perspective sur celles-ci.
Plus généralement, c’est, je pense, un véritable phénomène de société qui s’est dressé alors là devant mes yeux.
Si à l’échelle d’une personne, le conditionnement est tellement fort qu’il arrive à faire croire qu’une chose fausse est belle et bien vraie.
Qu’en est-il, quand la doctrine finit par se diffuser sur une échelle globale. Quand le pouvoir de la dissuasion prend le dessus sur la « logique des choses ».
Par exemple, si j’avais réussi à convaincre ma chérie que l’on ne met pas de confiture sur le beurre, puis ses amis, qui auraient eux aussi finis par convaincre leurs proches etc
Une idée fausse aurait fini par devenir la norme, au détriment de la raison.
Carrément flippant quand on commence a penser a des choses beaucoup plus « inquiétantes », comme par exemple les idées d’extrême droite.
Alors j’ai peur.
J’ai peur, car aujourd’hui l’éducation, domaine il y a encore peu réservé à la famille et à l'école, commence à basculer dans une ère où toutes les informations, fausses ou vraies, circulent tout azimut dans un océan de médias qui permettent à nos enfants de tout avoir à portée de mains.
Pour faire plus simple, j’ai peur que mon fils apprenne sur TikTok que l’on ne met jamais de confiture sur le beurre sous peine d’être puni par la loi !
Nous ne sommes que le résultat de la somme de nos croyances.
Nous sommes conditionnés pour croire ce que l’on nous a appris, ce que nous avons vu ou entendu, ce à quoi nous avons su donner notre confiance pour définir la personnalité que nous sommes aujourd’hui.
Bien évidemment, nous nous trompons parfois en beauté.
Mais je suis sûre que vous, comme moi, remerciez chaque jour vos parents et vos proches pour vous avoir donné un cercle de croyance, un patrimoine qui vous permet aujourd’hui d’affirmer que vos valeurs sont nobles et respectueuses.
A nous de jouer pour offrir aux générations futures, et cela même si les évolutions technologiques et culturelles nous imposent une vigilance accrue, un cadre au moins aussi propice que celui que nous avons connu.
Ainsi, la prochaine fois que vous verrez votre ami, votre collègue ou votre voisin mettre de la confiture sur sa tartine de beurre, s’il vous plaît, n’hésitez pas à lui dire.
« Vous avez raison ».
À très vite,
Vincent
🧈☝️
Amusant ton histoire de tartine. Moi aussi, dans le Nivernais, nous mettions du beurre avant la confiture. Peut-être pour faire une sous-couche car comme le chantaient les Frères Jacques (trop vieux pour toi) dans La Confiture "La confiture ça dégouline....
Bien sûr on peut avec du beurre
Les trous on peut bien les boucher
ça ne sert à rien c'est un leurre
Car ça coule par les côtés .....
Bien sûr on peut découvrir de par le monde d'autre us et coutumes, dans un coin de notre cœur l'on garde les habitudes de notre enfance, celle de nos parents et de notre famille. Amicalement. Danielle.