Saison 2 • Episode 22
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Ce titre ne vient pas de moi.
C’est l’intitulé du libre de Christel Peticollin, écrivaine reconnue pour ses ouvrages sur la psychologie, notamment à propos des “trop pensants”, des personnes qu’elle a rencontré lors des nombreuses thérapies qu’elle a réalisées et dont elle a réussi à comprendre les “codes” parfois difficiles à capter.
Les gens qui disent que ce livre est mauvais sont ceux qui rendent la vie impossible aux gens que Mme Petitcollin décrit justement dans son ouvrage.
Cette phrase, elle est de moi.
J’ai été outré de voir que le livre reçoit très souvent de très mauvais critiques.
“Encore un livre sur les HPI, encore un truc pour les gens qui se prennent pour je ne sais pas quoi, encore un livre pour les débiles”, je ne vous raconte pas tout ce que j’ai pu lire sur ce livre et j’en suis consterné.
“Hyperréactif, hypersensible, hyperaffectif… ces personnes vivent les événements de leur vie avec une intensité hors norme (...) C’est aussi un était d’éveil, de vigilance, voir d’alerte permanente”.
Christel Petitcollin décrit les trop pensants comme des personnes tout à fait normales qui ne sont en rien des personnes “plus intelligentes que la moyenne”. Elles les soupçonnent simplement d’avoir un quotient émotionnel, lui, bien plus élevé que la moyenne. Hors, elle ne voit de prime abord pas du tout ça comme un avantage mais plutôt comme un inconvénient.
L’anxiété générale et l’état d’hypervigilance induit par cette hyper “sensibilité” conférant à l’individu une insécurité permanente qui se traduit par des pensées intenses à l’intérieur et des maux physiques à l’extérieur.
“Cette hypersensibilité pose beaucoup de problèmes. A l’inconfort d’être impuissant à garder le contrôle s’ajoutent l’incompréhension de ses propres mécanismes et la désapprobation de l’entourage. Car, dans notre société, les gens sensibles, émotifs et affectifs sont encore trop souvent considérés comme des gens fragiles, immatures et pulsionnels.”
Ne vous êtes-vous jamais dit que tout partait en live dans notre société actuelle ? Notamment avec les événements de la semaine dernière.
A présent ? Mettez-vous dans la peau de quelqu’un qui est déjà en train de se poser 1000 questions lorsqu’il va chercher son pain à la boulangerie le matin et imaginez ce qu’il envisage lorsqu’il voit toutes les voitures de son quartier brûlées et les vitres détruites.
L’hypersensibilité ne peut pas être comprise tant que nous ne l’avons pas vécu.
De plus, la bienveillance et l’empathie envers les personnes hypersensibles sont difficiles puisque nous n’arrivons pas à comprendre ce qu’ils ressentent.
Pire encore, on se projette, pourquoi cette personne aurait-elle le droit d’être angoissée alors que moi, je ne le suis pas ?
“Cette soif d’absolu, les pousse dans les deux extrêmes : soit ils développent une bienveillance universelle et sont alors de vrais gentils, empathiques, patients et compréhensifs ou alors ils deviennent intransigeants, moralisateurs, s’exaspèrent de toute transgression de leur code moral par autrui : haro permanent. Ils sont soit le sage soit l’aigri ronchonneur. Certains ricochent sans cesse d’une position à l’autre, comme une balle de ping-pong”.
La personne trop pensante est chiante pour son entourage, c’est un fait.
Il passe souvent par plusieurs états, qui sont difficiles à lire pour ses proches, par la société. On ne comprend souvent pas pourquoi “il fait la gueule depuis ce matin” et puis finalement “il est hyper cool à 16h”. On a même souvent droit à des petites réflexions “Il est lunatique” ou pire “Il est bipolaire”.
“Les ennuis viennent aussi des trop grandes attentes des trop pensants. Ils pensent que quand on s’aime, quand on est amis, quand on est copains, on doit … la liste des façons de bien se comporter dans toutes ces situations est longue et très personnelle. Alors, tôt ou tard, il sera déçu par le comportement de l’ami, du collègue, de son amoureuse. Cette liste est irréaliste parce que composée d’absolus”.
La personne anxieuse est socialement fragile, il se sent trahi quand un ami ne l’invite pas à un barbecue, quand sa copine ne lui dit pas qu’elle l’aime toutes les 5 minutes ou quand son collègue ne l’a pas invité à une réunion ou il pensait qu’il avait sa place.
Logique ? Non, absolument pas, une personne “normale” dirait que c’est normal, que c’est un oubli ou parfois même ne s’en rendrait pas compte du tout. L’anxieux, lui, va réfléchir, se poser 1000 questions et vouloir trouver des réponses la ou il n’y a finalement pas de questions.
“Il a été noté une sensibilité particulière de l’amygdale cérébrale et un seuil de réactivité particulièrement bas. Peut-être cela est-il dû au fait que l’amygdale est en permanence solicitée par l’hypersthésie et l’émotivité, donc plus ou moins naturellement en état de vigilance.”
Non, il n’y a pas d’explications scientifiques à l’hypersensibilité et à l’anxiété. Bien sûre, on aimerait prouver tout cela, expliquer que tout est “rationnel” et qu’une partie de notre corps peut expliquer ce que l’on ressent, ce que l’on laisse paraître.
La semaine dernière, j’ai regardé le film “The Danish Girl”.
Film dans lequel Eddie Redmayne interprète merveilleusement l’histoire vraie d’Einar Wegener première homme transgenre a voir subi une opération chirurgicale pour changer de sexe.
Le changement physique n’est pas le point culminant du film.
C’est la construction psychologique du personnage et notamment la façon dont son mal intérieur vient le ronger aussi bien physiquement que psychologiquement qui vient totalement nous bousculer, nous faire réfléchir.
Tellement embêtant et éreintant pour lui qu’il n’envisage pas autre chose que le changement physique pour faire disparaître son mal psychique.
Dans ce film, l’environnement extérieur joue un rôle prépondérant dans le développement du personnage, la société dans laquelle il se trouve le méprise, le chasse et veut l’éliminer car il ne respecte pas les codes. Pire encore, il ne rentre pas dans la norme établie.
Oui, la société aujourd’hui a évolué.
Oui, en 100 ans, l’humanité a accepté de comprendre que la psychologie pouvait être parfois scientifiquement “inexpliquée” et laissé finalement à chacun le droit de vivre comme il le sent.
Finalement, que l’on soit transgenre, hypersensible, dépressif et tutti quanti importe peu.
Ce qui importe, c’est que les personnes qui auraient pu être à la place d’Einar Wegener ou de ceux que décrit Chritel Peticcolin puissent aujourd’hui assumer ce qu’ils sont sans critiques, ni préjugés.
C’est casser la norme et les codes pour que chacun puisse profiter paisiblement raconter son histoire, vivre sur sa propre planète.
“And once again Einar became exhausted by the world failing to know who he was. / Et une fois de plus, Einar a été épuisé par le fait que le monde ne savait pas qui il était." David Ebershoff, The Danish Girl
A la semaine prochaine,
Vincent