Souvent par affection, parfois par moquerie, moi et mes amis proches, nous nous appelons les pleutres.
Pleutre : Homme sans courage ni dignité.
Il est vrai que très souvent, j’ai l’impression de traverser la vie comme si j’étais un pleutre.
Peu courageux, peu orgueilleux et très souvent râleur improductif, je passe mon temps à éviter les problèmes et surtout à fuir tout ce qui peut être nuisible à mon petit train-train (mes proches vous diront certainement le contraire mais je pense détenir ma vérité).
Et plus je discute avec mes amis, mes proches, mes collègues, j’ai l’impression de vivre dans une génération de pleutre, et cela n’est pas péjoratif.
Un peu de contexte.
Je viens d’un milieu moyen, comme 99% de mes amis proches.
Je viens de passer la trentaine, comme tous mes amis, qui eux aussi, ont tous plus ou moins passé le cap.
J’ai un travail sympathique et enrichissant intellectuellement qui me donne entière satisfaction.
Je gagne plus ou bien moi ma vie, je ne suis pas Rotschild, mais ça le fait.
Je vis dans un appartement cosy et chaleureux.
J’ai rencontré la femme de ma vie avec qui je passe des moments formidables.
J’attends un bébé qui sera, j’en suis sûre, la plus belle chose de ma vie.
Et pourtant.
Pourtant, je me plains.
Je voudrais toujours plus d’argent car j’ai la curieuse impression que même si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue.
Je veux une plus grande maison, parce que je me dis bêtement, plus c’est grand plus c’est bon.
J’aimerais avoir un job de rêve comme tous ces youtubeurs ou autres stars de l’internet que je follow sur Instagram, twitter et autres réseaux sociaux.
Je voudrais avoir un talent inné, pouvoir avoir une newsletter à 10 000 abonnées comme beaucoup de mes amis freelance qui me donne l’impression de tout réussir en un claquement de doigt.
J’aimerai arrêter d’être angoissé par un futur morose ou tout le monde nous laisse croire que “le pire est à venir” et que le monde entier veut nous mettre plus bas que terre à coup de réformes abusives et de complots dictato-capitalistes (?!).
Je suis le pleutre moyen.
Celui qui produit mais qui se plaint, qui ne rechigne pas à la tâche et qui se dit qu’après tout, le travail c’est la santé.
Celui qui paye ses impôts comme tout le monde en rouspétant un peu mais en se disant que finalement, il est beau comme ça mon pays.
Celui qui est parfois tenté par la folie des extrêmes, mais qui vote modéré, parce que je sais, que tout le monde a le droit d’avoir ses convictions, ses chances et sa place dans notre monde.
Celui qui s’angoisse à la place des autres, car, je me moque bien de toucher ma retraite, néanmoins,mais j’ai peur, peur que mon fils voit ses casseurs en bas de ma fenêtre, détruire tout ce qui s’apparente à mon quartier.
Peur de voir ce rapport du Giec, qui me fait réaliser que malgré toute ma bonne volonté, je ne pourrai pas assurer à mon fils un avenir radieux sur une planète aussi saine que celle que j’ai connu (ce qui est plus important que de savoir s'il devra travailler jusqu’à 70 ans…).
Finalement.
Finalement, nous sommes, je crois, énormément de pleutres silencieux qui affrontent ces “modern times” avec une naïveté aiguisée des problèmes qui nous entourent sans pour autant jouer les super héros; puisque nous ne le sommes pas.
Nous ne manquons pas de courage, ni de dignité, non.
Mais notre lucidité, notre éducation et notre fierté nous condamnent à poursuivre notre vie de la manière dont nous l’entendons, en subissant les dommages collatéraux d’une société que nous entendons, mais que nous ne comprenons pas toujours.
En espérant, qu’un jour les pleutres prendront le pouvoir pour mettre fin à cette cacophonie superficielle et stéréotypée afin de donner la chance à chacun de vivre de manière calme et paisible la vie qu’il souhaite.
Je terminerai par cette phrase que je dis souvent en référence à notre ancien président, François Hollande, autrefois éminemment critiqué et détesté par les alpha de notre société (ceux qui détruisent mon quartier), peut-être, finalement, plus tellement à côté de la plaque aujourd’hui.
“Nous sommes tous le pleutre de quelqu’un d’autre.”
A bon entendeur.
Pleutrement votre,
Vincent
On passe quand même de sacré bons moments entre pleutres ...
Elle me parle beaucoup cette édition.